Passionnée depuis toujours par la relation des employés à leur entreprise, Stéphaine Bernat a exercé des fonctions marketing et communication dans des univers retail à un niveau international avant de s'intéresser au monde du SaaS. C’est à présent sur des enjeux d’adoption de la communication digitale sur écran chez Cenareo qu’elle explore un autre volet du dialogue entre une marque et son audience, qu'elle soit interne ou externe.
Le secteur du retail a évolué à une vitesse record ces dernières années. Avec l'explosion du digital, les acteurs du secteur ont adopté une stratégie multicanale qui semblait placer le e-commerce en concurrence avec le point de vente physique. Mais cette prétendue opposition a finalement engendré une nouvelle approche favorisant l'omnicanalité et la totale complémentarité de l'online et de l'offline.
Les années 2010 : du monocanal au multicanal
Longtemps, se rendre en magasin pour acheter un produit a constitué la norme. Mais la digitalisation de l’économie a poussé les retailers à aller toucher leurs cibles aussi sur internet. Le développement d’une stratégie multicanale symbolise alors la volonté des enseignes de multiplier efficacement les points de contacts. Passés les balbutiements des premiers e-shops, internet est devenu un espace d’achat privilégié. Le poids des ventes en ligne représentait 3% du commerce de détail en 2010 (hors carburant, pharmacie et articles médicaux). Il a progressivement grimpé jusqu’à représenter 9 % en 2019. Une année plus tard, à la faveur des confinements successifs, sa part a bondi à 13 % (Source: Fevad).
Pourtant, cette croissance continue et rapide de l’online a aussi révélé une véritable menace pour les retailers : le risque de cannibalisation entre les différents canaux de distribution voire de la mort du point de vente. Un magasin physique n’a aucun intérêt à ce qu’un client vienne chercher un conseil en magasin avant d’acheter en ligne. Autre effet néfaste de la multicanalité, des coûts plus élevés et une logistique plus complexe dès lors que la communication, la publicité, la distribution et la vente doivent être gérées parallèlement. La transition vers l’omnicanalité est en marche : comment penser les espaces d’achat physique et digital dans leur complémentarité et non plus leur opposition.
Le parcours client au centre des attentions
Une omnicanalité qui doit aussi son émergence à un autre facteur : le consommateur, désormais confronté à différents canaux de distribution, a changé ses habitudes. En lui donnant la possibilité d’acheter en ligne ou en magasin, on pensait lui donner le “choix des armes”. Mais celui-ci a finalement choisi d’intégrer le digital… dans son parcours d’achat en magasin. Et inversement, il se sert des points de vente dans son parcours d’achat en ligne…
Avec de nouvelles attentes client héritées de la multicanalité, les marques se focalisent donc désormais davantage sur le comportement d’achat de leurs cibles. Mais il faut, pour les retailers, aller encore plus loin dans l’intégration de l’online et de l’offline pour proposer au consommateur un parcours d’achat plus fluide et unifié.
Le multicanal est mort, vive l’omnicanal
Le consommateur 2.0 veut obtenir une information concernant un produit sur les réseaux sociaux, l’essayer en point de vente, se faire livrer à domicile... Il souhaite profiter des atouts du digital comme des bénéfices propres à l’achat en point de vente. L’omnicanalité est donc une réponse aux comportements des consommateurs qui évoluent.
Cette tendance a conduit le magasin à se digitaliser, mais elle incite également les pure players du web à ouvrir leurs propres points de vente physiques ! L’online challenge l’offline, mais le retail physique pousse également le e-commerce dans ses retranchements. Jeff Bezos serait ainsi sur le point de lancer plusieurs grands magasins Amazon d’une surface de 2500 mètres carrés. En parallèle, l’option “Prime” d’Amazon existe pour satisfaire le besoin du consommateur de posséder un produit au moment de son achat.
Online et offline : les meilleurs ennemis ?
La recherche de la convergence de l’online et de l’offline impacte aujourd’hui toutes les dimensions du retail. L’utilisation croissante des chats, chatbots ou réseaux sociaux montre ainsi que même la relation client se digitalise.
En 2011, le salon The Retail’s Big Show présentait un mur de douze écrans tactiles intelligents capables de présenter plusieurs milliers de produits en 3D. Dix ans plus tard, force est de constater que ce mur virtuel n’a pas envahi le marché. Un vendeur “en chair et en os” est toujours présent pour conseiller le client, mais ce dernier fait en réalité partie d’une stratégie plus globale où écrans et tablettes sont aussi utilisés pour fluidifier l’expérience du client.
Le “phygital”, grand gagnant au sortir de la crise sanitaire ?
Bien sûr, la crise sanitaire, avec la fermeture des commerces “non-essentiels”, a fortement bouleversé un secteur déjà fragilisé par la crise des gilets jaunes. Elle a constitué une formidable accélération de la digitalisation du secteur avec le développement du click & collect, du drive ou du paiement sans contact. Au début des années 2010, le secteur du retail pouvait encore percevoir une menace dans le développement de l’online. Aujourd’hui, c’est bel et bien l’e-commerce qui a permis de limiter l’impact des fermetures de magasins.
Force est de constater que le digital est aussi employé comme puissant levier drive-to-store, au service des magasins toujours perçu comme le meilleur espace d’achat potentiel. Les réseaux sociaux, l’affichage dynamique - et en particulier la publicité digitale géolocalisée- sont ainsi utilisés pour générer plus de trafic en magasin. Le digital “joue la carte” du magasin physique. Et l’utilisation d’une application comme Yuka démontre que le mobile peut répondre à une finalité web-in-store. Les marques sont plus que jamais à la recherche de stratégies phygitales qui visent l’omnicanalité comme le meilleur des deux mondes du retail digital et du retail physique.
Un retail “à visage humain”
La crise sanitaire a considérablement boosté la digitalisation du retail, mais elle semble dans le même mouvement le reconnecter à ses origines, le réhumaniser. De lieu de vente, la boutique devient ainsi un lieu de vie, d’animations et surtout d’expériences. Orange l’avait déjà bien compris avec le développement du concept “Smart Stores” qui visait à créer plus de sérénité et de confiance dans des magasins conçus comme un prolongement du domicile. Le consommateur y est amené à tester des produits dans leur environnement réel, il devient acteur d’une expérience unique.
Le nouveau concept de magasin Ikea, ouvert en centre ville de Vienne, est elle aussi une destination shopping ultra digitalisée: écrans tactiles à tous les étages, solution d’achat omnicanal via application, caisses remplacées par des bornes automatiques...Plus de 100 écrans sont intégrés dans tous les étages et sont destinés à fournir à la fois une inspiration et des informations supplémentaires sur les produits.
Quand l’expérience revient au cœur du parcours client in store… même chez Ikea, précurseur en la matière.
Quel avenir pour le retail en 2030 ?
En dix années à peine, les marques auront tour à tour basculées d’une stratégie multicanale vers une approche cross-canal qui culmine finalement vers l’omnicanalité. Pour l’heure, les marques doivent faire en sorte que les atouts de chaque canal de vente servent les performances de tous. Fini le cloisonnement entre d’un côté le commerce physique et de l’autre la distribution digitale. Les retailers doivent organiser un ping-pong permanent entre les deux qui servira l'omnibusiness et donc, leur performance.
La quête vers un business unifié est lancée !